Le cencenmoangu : un pagne, une mémoire, une philosophie de vie

Dans l’univers riche des textiles traditionnels africains, le Cencenmoangu (Tchintchinmoangu), se distingue comme un symbole fort de la culture Gourmantché. Originaire du Gulmu, espace occupé par la communauté Gourmantché à l’Est du Burkina Faso et une partie du Niger, du Benin, du Togo et du Ghana, ce pagne dépasse largement le simple aspect vestimentaire. Il incarne toute une philosophie de vie, une mémoire collective, et une transmission symbolique des valeurs.

Les couleurs qui parlent

Le Cencenmoangu se reconnaît à ses deux couleurs dominantes :

- Le noir, qui représente les épreuves, les obstacles et les défis inhérents à l'existence.

- Le rouge vif, qui symbolise la vie, le sang versé lors de l’enfantement, et la réussite.

Ensemble, ces couleurs racontent une histoire universelle : celle des luttes à mener et de la capacité à créer, à donner la vie malgré les difficultés.

Un pagne à forte charge symbolique

Le Cencenmoangu est utilisé dans plusieurs contextes rituels et sociaux, chacun avec une couche de sens à sa symbolique profonde :

- Lors des mariages, il est offert ou porté pour rappeler les épreuves que la femme devra affronter dans son nouveau foyer, mais aussi sa mission sacrée de donner la vie.

- Lors des sorties de circoncision,

les jeunes garçons revêtent ce pagne pour marquer leur passage à l'âge adulte. Le tissu devient alors un emblème de maturité, de responsabilité envers soi, la famille et la communauté.

- Un code de vie conjugale : Après un an de mariage sans enfant, une tante de l’époux peut offrir ce pagne à la nouvelle mariée comme une invitation symbolique à accepter les défis de la vie conjugale et à accomplir son rôle de mère, dans la tradition gourmantché.

Une portée internationale

Bien qu’il tire ses origines du terroir Gourmantché, le Cencenmoangu a aujourd’hui dépassé les frontières ethniques et territoriales. Il est porté et reconnu dans tout le Burkina Faso et dans d'autres pays africains. Il est apprécié pour sa beauté autant que pour sa richesse culturelle.

Le Cencenmoangu est plus qu’un pagne : c’est un outil de transmission, une mémoire tissée, et un appel à la résilience et à la fécondité. Dans un monde où les repères culturels se perdent parfois, redécouvrir et valoriser ce type de patrimoine devient un acte de résistance douce, une manière de rappeler, en noir et rouge, que la vie vaut d’être vécue, défi après défi.

Jean Sylvanus OUALI

Recherche sur le cencenmoangu en 2023 dans la commune de Botou, province de la Tapoa au Burkina Faso.